Une réponse socialiste à la crise
Tribune Par Harlem Désir, Michel Sapin et Bernard Soulage.
Le monde subit une quadruple crise. Financière avec les pertes colossales et la faillite des banques. Economique, puisque sont désormais atteints la croissance, l'emploi et le pouvoir d'achat. Ecologique avec le réchauffement climatique et la rareté des matières premières. Politique, puisque les acteurs à son origine ont profité des dérégulations et de la concurrence entre les Etats grâce aux politiques menées par les conservateurs en Europe et dans le monde.
Les discours et l'agitation brouillonne de Nicolas Sarkozy, à l'inverse de ce qu'il proclamait il y a un an, nous mènent aujourd'hui dans un monde irréel et n'efface pas sa responsabilité dans nos déficits abyssaux. Les socialistes doivent refuser la démagogie et les postures en proposant des réponses nouvelles, crédibles et courageuses où la puissance publique retrouve sa place régulatrice.
Au niveau mondial, la convocation d'une conférence monétaire et financière internationale doit conduire à refonder le système monétaire en mettant fin au règne du dollar. La création, à partir du FMI, d'un pôle de régulation des marchés financiers doit garantir les normes et règles issues de cette conférence. Un accord sur la lutte contre les paradis fiscaux est la brique de base d'un monde financier refondé. La création d'un Conseil de sécurité économique doit permettre d'harmoniser les règles du commerce, les objectifs de lutte contre la pauvreté et les normes sociales et environnementales.
C'est au niveau européen que se situent aujourd'hui les plus grands enjeux. Au-delà de la réaction d'urgence, nous devons construire un gouvernement économique harmonisant les politiques fiscales et sociales, dialoguant avec la Banque centrale européenne, finançant la solidarité entre pays, pilotant un budget porté à 1,5 % du PIB. L'Union doit pouvoir emprunter et financer un vaste plan de relance fondé sur la recherche d'une croissance durable avec des projets d'infrastructures respectueux de l'environnement, des dispositifs d'utilisation des énergies renouvelables et l'accélération des programmes de recherche et d'innovation. Un emprunt de 100 milliards d'euros (soit environ 1 point de PIB de l'Union européenne) est compatible avec ses capacités de remboursement. L'Union européenne doit aussi être le fer de lance de la réforme financière : réglementation des fonds spéculatifs, réforme des agences de notation, modification des normes comptables, refus des paradis fiscaux notamment au sein des pays de l'Union.
En France, les socialistes ont fait le choix de ne pas s'opposer aux propositions plus qu'imparfaites faites en octobre mais insuffisantes au plan financier, économique, voire moral. Elles doivent être assorties de l'assurance que toutes les sommes qui seront récupérées reviendront directement à l'Etat et aux contribuables. L'Etat doit jouer tout son rôle d'actionnaire, y compris sur les rémunérations des dirigeants.
Au-delà, l'urgence est de prévoir un soutien à l'économie réelle. Notre pays est très en retard, ayant déjà mangé ses faibles marges par le « paquet fiscal ». Le plan récemment annoncé par le président de la République n'est pas à la hauteur de la conjoncture. Le premier devoir, dans cette situation, est de créer un Fonds national de garantie permettant de garantir les crédits qui seraient distribués pour les projets des PME et pour l'accession à la propriété par un système de caution publique.
Il faut baisser l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui réinvestissent leurs bénéfices et créer un crédit d'impôt innovation pour les PME, qui assureront le redémarrage de l'activité. Il faut soutenir le pouvoir d'achat en conditionnant les exonérations de cotisations à des accords sur l'emploi et les salaires et en relevant la prime pour l'emploi. Enfin, l'investissement public doit être soutenu par la garantie d'emprunt des collectivités locales et le maintien des dotations de l'Etat, car elles réalisent 73 % des investissements en France.
Il nous faudra aussi aller au-delà des nécessaires mesures d'urgence. Le socialisme que nous défendons propose un autre modèle économique, qui impose aux marchés des régulations, de la redistribution et permet le financement des services publics. Entre les improvisations cyniques de la droite et un repli sur des visions anciennes qui fragmenteraient l'Europe, il y a place pour un socialisme s'appuyant sur une puissance publique efficace, un Etat social prévoyant, une Union européenne protectrice et influente. Il est temps pour le Parti socialiste d'ouvrir ce chemin avec ses partenaires socialistes et sociaux démocrates européens.
Tribune publiée dans Les Echos - Edition du 5 novembre 2008.