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9 mars 2009

La loi pénitentiére au Sénat

Par Alain Anziani

n1522775800_9267La République s’intéresse rarement à ses prisons. Les élus craignent de se voir reprocher trop de compassion par une opinion égarée dans le mythe de la maison d’arrêt « quatre étoiles » fréquentée par des criminels, des récidivistes, des « salauds » blanchis, logés et nourris par le contribuable.

Lors du débat sur la loi pénitentiaire, chargé par le groupe socialiste de défendre nos positions, j’ai tenté de montrer la réalité du monde carcéral, « un trou à rat » dans lequel s’entassent trois ou quatre détenus dans onze mètres carrés, avec des toilettes exposées au regard de l’autre. Là, tout s’achète et tout se vend. Officiellement, avec la cantine pour le prisonnier qui possède les moyens de louer un téléviseur, de se procurer du papier, d’améliorer l’ordinaire. Clandestinement, avec la drogue, les portables, et parfois les armes. Sous ce règne du plus fort, le caïd confie ses petits trafics à une « mule » qui assume les risques moyennant une rémunération, une protection ou plus simplement pour éviter l’enfer. Car l’enfer existe dans les douches, dans les cours, dans tous les lieux désertés par les surveillants. L’enfer peut même se rencontrer en cellule. J’ai rappelé qu’à Rouen Idir a été égorgé par un homme qui avait lui-même tenté de mettre fin à ses propres jours ou qu’à Nancy, Johnny est mort après quinze jours d’une torture infligée par un individu déjà poursuivi pour homicide sur un co-détenu. Sait-on que près de 30% des prisonniers sont des psychotiques, c’est-à-dire des malades mentaux. Les murs de la prison cachent un asile où se croisent les fous, les paumés de la vie et les vrais professionnels du crime. Un asile qui ignore largement le droit au respect de la personne ou même à l’intégrité physique. Remplis de désespoir ou de haine, y compris envers eux-mêmes, les détenus se suicident sept fois plus que le reste de la population.

Sans doute faut-il « surveiller et punir », mais sait-on que pour une grande partie, les détenus sont des « prévenus » c’est-à-dire des femmes et des hommes sur lesquels la Justice ne s’est pas prononcée.  Nous l’avons vu à Outreau, un innocent peut séjourner en prison. Parfois pendant plusieurs années.  Là, comme comme les autres prévenus,  il y sera plus mal traité qu’un condamné. Relaxé, il aura subi une humiliation qui le marquera toute la vie. Avant et après chaque visite de son avocat ou d’un membre de la famille, le prisonnier est mis à nu, entièrement. Cette fouille intégrale peut se répéter plusieurs fois par semaine. À la discrétion de l’administration pénitentiaire qui, c’est la réalité, l’utilise parfois comme un moyen d’amadouer le récalcitrant. Elle peut même se transformer en une fouille corporelle, avec examen des cavités anales ou vaginales. La Cour européenne des droits de l’homme a dénoncé à de multiples reprises ces pratiques d’un autre âge. Malheureusement, malgré notre combat, ces mesures n’ont pas été remises en cause par la loi pénitentiaire, même si désormais elles seront mieux encadrées ou si l’hypothèse de moyens de détection électroniques, comme dans les aéroports, est évoquée.

Sans autre raison que d’adresser un signe sécuritaire, le gouvernement a également refusé d’aligner la durée de la cellule disciplinaire sur celle des démocraties européennes, même s’il n’a pu empêcher le Sénat de la réduire de 45 à 30 jours.

Sous la pression du Sénat qui a réécrit la plupart des articles, la loi comporte toutefois de nombreuses avancées : principe de l’encellulement individuel (mais avec un moratoire de cinq ans), peine d’emprisonnement en dernier recours pour les infractions punies de moins de deux ans, aménagements de peine avec notamment la généralisation du « bracelet électronique »… 

Elle restera dépendante du « tout répressif » gouvernemental. Avec les peines planchers ou d’autres mesures sécuritaires, la politique pénale actuelle se limite à remplir  les prisons à raz bord. Réduite à une version moderne de loi du talion, elle ne se préoccupe ni des causes profondes de la délinquance, ni du sens que devrait avoir la peine.

Une autre conception devrait enfin s’imposer :  éviter la récidive et à cette fin, tout mettre en oeuvre pour favoriser la réinsertion du détenu. Nous n’y parviendrons pas sans humaniser d’abord les prisons.

 

Ps : pour le lecteur qui veut en savoir un peu plus : http://www.senat.fr/seances/s200903/s20090303/s20090303010.html


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